A la demande d’UNIFAF Haute-Normandie, Fonds d’Assurance Formation de la Branche «Sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif», j’ai animé fin novembre une formation de deux jours à destination de futurs membres de jurys de validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Cette demande fait suite au constat que la VAE peine à décoller dans ce secteur d’activités, et à une insatisfaction des membres de jurys qui n’est sans doute pas étrangère à la difficulté de trouver des volontaires parmi les professionnels.
J’ai conduit cette formation de manière pratico-pratique, en partant des pratiques réelles et des représentations des participants et en structurant les activités pédagogiques proposées autour de quelques idées clés que je vous livre ici :
La nécessité de maitriser le vocabulaire : Le champ de l’évaluation (aptitude, capacité, compétence…) peut sembler jargonnant pour un néophyte. Cependant, ces concepts peuvent s’expliciter aisément et prendre tout leurs sens lorsque l’on saisit la dynamique d’ensemble. La première activité a consisté à lister les « mots » de l’évaluation et à donner sa définition pour construire progressivement une représentation partagée. J’ai aussi profité de cette activité pour rappeler le cadre légal de la VAE et revenir sur les raisons qui ont conduit au passage de la VAP à la VAE en 2002.
La compétence ne peut s’évaluer qu’en rapport à une situation professionnelle réelle. La compréhension des trois référentiels (activité, formation, certification) et de l’articulation entre eux est un concept essentiel mais complexe, qui se comprend plus aisément lorsqu’on le raccroche à son propre contexte professionnel ; c’est pourquoi, j’ai invité les futurs membres du jury à réfléchir dans un premier temps à partir de leur propre poste de travail, afin d’identifier les compétences mises en œuvre dans leur activité au quotidien. Cette séquence permet en outre d’expliciter les principes d’organisation du travail avec les notions d’emploi, d’activités, de métiers, de fonctions transversales …
On ne peut être «partiellement compétent». La compétence ne peut être que présente ou absente, et l’une des difficultés est de ne pas baser sa décision sur le « parcours » du candidat ou sa bonne volonté, voire la progression qu’il a pu montrer en formation, mais uniquement sur les preuves apportées dans son dossier, confirmées lors de la situation d’oral ; on parle généralement d’un faisceau de preuves. Étudier ensemble plusieurs dossiers de VAE (en l’occurrence, dans cette formation, du diplôme d’État d’Aide Médico Pédagogique et du diplôme d’État d’Aide-Soignant) avec comme grille de lecture les référentiels de certifications, invite à rechercher et à trouver, tel des Sherlock Holmes, des « indices de compétences ».
La connaissance n’est que l’un des ingrédients de la compétence. Le jury doit apprendre à ne pas interroger le candidat sous l’angle des savoirs mais sous l’angle du «faire». La préparation collective des questions à poser lors de l’entretien permet d’éviter cet écueil en écartant les questions théoriques. Les futurs membres de jury acquièrent ainsi des bons réflexes : préférer le «comment» au «pourquoi», éviter les questions pièges, préférer les questions ouvertes aux questions fermées, revenir en permanence à la situation de référence, etc.
Le processus d’évaluation doit être fiable, transparent et impartial, quel que soit le lieu de certification ou sa voie d’accès, les conditions de l’évaluation et les personnalités des jurys. C’est un engagement très attendu de la part de la CNCP, qui nécessite l’acceptation d’une «charte de fonctionnement du jury» qu’il est possible d’esquisser au cours de la formation, en formalisant collectivement quelques règles déontologiques.
Le niveau de certification est celui de la « maitrise » et non de « l’expertise ». Le jury professionnel, dont on peut supposer qu’il, est, lui, expert, ne doit donc pas se baser sur sa propre pratique mais sur celle qui est attendue d’un professionnel qui maitrise les bases du métier et qui poursuivra, tout au long de sa vie, sa démarche de professionnalisation.
La VAE est une démarche de progrès. La décision juste, assortie le cas échéant de recommandations et de pistes de perfectionnement concrètes, nécessite du jury une attitude d’écoute bienveillante, un esprit d’ouverture et d’empathie et non de jugement. En résumé, il s’agit de mettre à l’aise, de se positionner en tant que pairs, sans pour autant trop parler de sa pratique, de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle et enfin de permettre de progresser, quel que soit la décision finale : on n’évalue pas un candidat sur sa personne en général mais sur ce qu’il montre de sa compétence, en regard d’un seuil de performance attendu.
En définitive, deux jours de formation agréables pour moi et, j’espère, utiles pour les participants qui ont pu trouver la bonne posture en tant que membre professionnel d’un jury VAE.