A propos du Père Noël et autres balivernes

Je voudrais partager avec vous cette triste certitude acquise ce matin : la petite souris des dents n’existe pas. J’en ai acquis maintenant l’intime conviction, après une ultime expérience. Il se trouve que j’ai perdu hier une dent (du fonds, je vous rassure) que j’ai déposée sous mon oreiller cette nuit. Et ce matin, rien, nada, que dalle : ma dent était toujours là, petite chose peu ragoutante que je me suis empressé de jeter à la poubelle, accompagnée de mes dernières illusions, dont celle, et non des moindres, qu’elle repousse un jour prochain.

Les plus cartésiens d’entre vous argumenteront sur le fait qu’il ne suffit pas qu’un phénomène ne se produise pas une fois pour prouver qu’une théorie soit fausse, alors qu’il suffit qu’un phénomène se produise une fois pour attester qu’elle soit vraie ; je leur répondrais que, tout de même, à mon âge, il est un peu tard pour me faire passer des vessies pour des lanternes, n’en déplaise à Descartes !

Au rayon des facéties pour enfants, fée bleue, lapin de pâques et autres balivernes qu’on nous instille dès le plus jeune âge pour nous donner sans doute l’illusion que notre passage sur terre n’est pas qu’un long chemin semé d’embuches et de chausse-trappes, je rangerais bien sûr aussi l’histoire du gros barbu à capeline rouge. Hélas, mes illusions à ce sujet ont depuis longtemps précédées la trajectoire de ma dent. Sur ce chemin direct à la corbeille, je dois mettre aussi mes dernières illusions quant à l’action politique, dont j’ai cru jusqu’à il y a peu encore qu’elle pouvait nous conduire à une vie en société plus harmonieuse, plus juste, plus équilibrée entre les hommes et les femmes, entre les riches et les moins nantis, entre ceux du haut et ceux du bas, entre ceux de l’intérieur et ceux qui viennent de l’extérieur, entre les gens cultivés et les gens de peu, qui pour paraphraser Jean Paulhan « gagnent à être connus car ils gagnent en mystère ». Naïf que je suis, j’ai longtemps cru aussi que la fidélité à ses idées, à ses engagements, à ses obligations était un incontournable de l’engagement en politique, de même que la poursuite d’un idéal. J’ai cru aussi au pouvoir de la mémoire collective qui nous éviterait de nouvelles guerres, de nouveaux génocides, mais qui s’avère n’être pas plus consistant qu’un fétu de paille qui s’envole au vent de l’histoire.

Tout cela, hop, à la poubelle ! Finalement, c’est une espèce de tri sélectif auquel je me livre en cette fin d’année, en me demandant avec un peu d’appréhension ce qui va rester sur la table. J’ai eu alors cette idée d’interroger ChatGPT à ce sujet et voici notre échange :

Moi : Peux-tu me donner une bonne nouvelle en lien avec l’actualité ?

ChatGPT : Bien sûr ! Récemment, il y a eu des avancées prometteuses dans la recherche médicale, avec de nouvelles découvertes qui pourraient conduire à des traitements plus efficaces pour certaines maladies.

Moi : Mais encore ?

ChatGPT : En effet, des progrès significatifs ont été réalisés dans le domaine des énergies renouvelables. De nombreuses nations augmentent leurs investissements dans les technologies propres, ouvrant la voie à un avenir plus durable sur le plan environnemental.

Moi : N’est-ce pas un peu des effets d’annonce qui cachent une réalité plus sombre ?

ChatGPT : Il est vrai que malgré les avancées positives, certains défis persistent, notamment en ce qui concerne les changements climatiques et d'autres problèmes mondiaux. Cependant, il est encourageant de voir des actions concrètes entreprises pour faire face à ces défis et travailler vers un avenir plus durable.

Moi : C’est le paradoxe du verre à moitié vide ou à moitié plein, serais-tu un optimiste ?

ChatGPT : Je n'ai pas de sentiments ni de perspectives personnelles, mais je peux offrir des informations équilibrées. La perception d'un verre à moitié vide ou à moitié plein dépend souvent de l'interprétation personnelle. Certains peuvent voir les défis comme des opportunités d'amélioration, tandis que d'autres se concentrent sur les aspects négatifs.

Bon, voilà que je me fais damer le pion par une intelligence artificielle ! Il va falloir que je revois ma manière de trier pour déceler les éléments positifs dans cette actualité plus que morose et mieux équilibrer mon point de vue entre mes convictions et mes désillusions. En même temps, c’est un peu facile pour ChatGPT qui, il le dit lui-même, n’a pas «de sentiments ni de perspectives personnelles ! ». C’est ça, justement, qui nous différencie, cette capacité à avoir des sentiments, en somme une complexité humaine inconnue et inaccessible aux intelligences artificielles qui nous fait alterner des moments de doutes et des moments de foi, des moments de lâcheté et des moments d’héroïsme, des renoncements et des rebondissements, des lassitudes et des regains d’énergie, des idées avortées et de nouveaux projets. Finalement une capacité à croire au Père Noël alors que tout porte à croire qu'il n'existe pas.

J’ai donc une nouvelle fois interrogé ChatGPT :

Moi : est-ce que tu penses que le Père Noël existe ?

ChatGPT : Le Père Noël est généralement considéré comme une figure folklorique associée à la saison des fêtes, et la croyance en son existence varie d'une personne à l'autre. Traditionnellement, il est souvent perçu comme une figure joyeuse et bienveillante associée à la remise de cadeaux pendant la période de Noël. Cependant, il est important de noter que la perception du Père Noël est généralement ancrée dans le folklore et la tradition plutôt que dans une réalité tangible. Chacun est libre d'interpréter le Père Noël de manière symbolique ou de maintenir la magie de Noël selon ses propres croyances.

Ah, non mais ! il ne va pas s’en sortir à si bon compte. Je lui demande son avis et il botte en touche ! J’insiste.

Moi : mais toi que crois-tu ?

ChatGPT : En tant que programme informatique, je n'ai pas de croyances, d'opinions ni de sentiments. Je fonctionne en fournissant des informations et en répondant aux questions en utilisant les données sur lesquelles j'ai été formé. La question de l'existence du Père Noël relève de la croyance personnelle et de l'interprétation culturelle.

D’accord, j’ai compris. Le père Noël existe pour ceux qui croient qu’il existe et il n’existe pas pour ceux qui croient qu’il n’existe pas, c’est aussi simple que cela. Finalement, je vais peut-être remettre ma dent sous mon oreiller ce soir. On ne sait jamais, après tout, la souris a pu être retardée sur la route, c’est pas une raison pour lui en vouloir.

Je vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d’année.