Quarante années se sont écoulées depuis mon entrée dans la vie professionnelle. Quarante années durant lesquelles je n’ai cessé d’écrire. A la main, tout d’abord, puis très vite, à partir de 1990, avec une machine à écrire achetée sur un vide-greniers. Vint ensuite mon premier ordinateur portable aux alentours de 1995 (Un Toshiba, avec un écran monochrome orange), puis d'autres ordinateurs et parfois le smartphone pour des textes courts. En vrac, j’ai écrit : des devoirs, des mémoires universitaires, des rapports, des réponses à appel d’offre, des conférences, des contenus de formation, des articles professionnels, quelques ouvrages en coédition, des corrections de devoirs, une thèse, des récits de pratiques, mon chemin de praticien, des publications diverses et variées sur les réseaux sociaux et, bien sûr, des articles pour mon blog, depuis mars 2009, à raison d'une dizaine par an en moyenne. J’ai tenté à travers ces différents écrits d’imprimer un style : une pointe d’humour autant que faire se peut, un équilibre fragile entre le détachement et l’implication, la vie du dedans et celle du dehors, la sphère privée et la sphère professionnelle, le cerveau droit et le cerveau gauche. Partir de ma vie réelle, de mon ressenti, voire d’une anecdote pour introduire une notion, l’éclairer par l’entremise de confrontations à la théorie, puis formaliser à mon tour, donner un avis, un conseil parfois, voire un coup de gueule. En 2019, lorsque je fêtais les 10 ans de mon blog, j’évoquais déjà « cette posture d’équilibriste entre le détachement nécessaire à l’objectivité et à l’analyse d’une part et l’implication de l’acteur engagé, fait de chair et de sang, d’émotions et de sentiments, d’autre part, autrement dit cette posture inatteignable de chercheur-praticien que je me serais efforcé d’atteindre tout au long de ma vie professionnelle ! »
Mon blog comporte à ce jour cent quarante-deux articles. Parmi ceux-ci, Mon voisin joue de la trompette, Partir en formation comme on part en randonnée, j’ai testé pour vous la médecine industrielle… sont peut-être ceux qui illustrent le mieux ma manière singulière d’écrire, du particulier au général, de l’anecdote à la réflexion, du ressenti au réfléchi.
Je suis allé également à la rencontre de quelques grands penseurs de la formation : Pestalozzi, Comenius, Schwartz, Decroly… pour essayer de vulgariser leurs travaux ou, plus modestement, de rendre compte de ce que j’en avais compris et tiré comme enseignement pour ma propre pratique de formateur. Plus récemment, ce sont des praticiens (mes pairs) que je suis allé rencontrer et dont j’ai « tiré les portraits ». Dans mon pinacle personnel, ceux-ci n’ont pas moins d’importance que ceux-là et méritent autant d’attention de la part du lecteur.
Certaines de mes productions ont eu plus de retentissements que d’autres : l’article intitulé de l’influence de Maria Montessori sur la formation des adultes, publié en 2015 ainsi que celui intitulé John apprend le latin et Pria l’informatique, publié en 2014, dans lequel je rends compte de l’expérience du « trou dans le mur » de Sugata Mitra, sont à ce jour les plus lus, environ une trentaine de fois par mois près de dix ans après leurs publications ; sans doute sont-ils mieux référencés que d’autres, qui à mon sens auraient tout autant gagné le droit à cette audience.
J’ai assez peu d’abonnés (700 sur LinkedIn, à peine 150 sur mon blog), mais le fait de publier systématiquement sur LinkedIn renforce très largement mon lectorat. Depuis 2009, mon blog a attiré 50 859 visiteurs. On est loin, très loin, des audiences des Youtubeur, mais cela m’a tout de même valu d’être interviewé en 2020 en tant qu’influenceur par Sud-Radio, celle là même où office Guy Carlier. Excusez du peu !
Je pense avoir écrit jusqu’alors avec authenticité et congruence et j’espère avoir ainsi sensibilisé quelques professionnel.le.s aux thématiques qui m’ont porté tout au long de ma carrière : l’autoformation éducative ; le recours au numérique comme moyen d’émancipation des diktats de la société savante ; la production, la collaboration et l’altérité comme vecteurs d’apprentissage ; l’écriture praticienne comme pratique autoformative... ainsi qu'aux valeurs que je défends : l’égalité, l’exercice de sa citoyenneté, le respect de l’autre, la prise en compte des différences, la justice sociale…
Cette présence sur le net a augmenté ma notoriété et les retombées en termes de « marché » ont été certaines ; nombre de mes clients sont arrivés jusqu’à moi après avoir lu l’un de mes écrits. Mais au-delà de cet aspect économique, le plus important à mes yeux est la dynamique formatrice de l’écrit. C’est en me contraignant parfois à écrire que j’ai pu prendre le recul necessaire sur une pratique professionnelle qui, comme tant d’autres, comporte ses bons et ses mauvais jours, ses expériences dont on est fier et d’autres que l’on préfèrerait oublier. C’est grâce à l’écrit que j’ai peaufiné ma posture professionnelle, que j’ai pu m’affirmer comme « accompagnateur des apprentissages » et non comme « enseignant », en réinterprétant avec mes mots les réflexions de Pestalozzi, Rousseau, Jacotot, Bandura, Meirieu… posant ainsi les bases de ma pratique, tout en exerçant pour moi-même et en permanence l’exercice délicat de la métacognition. Écrire permet de dénouer les nœuds complexes de sa pensée, par la pondération, la prise de recul, l’externalisation, la mise en forme toujours provisoire de points de vue ou de sentiments parfois contradictoires. En clair, faire le ménage dans sa tête ! Des différentes facettes de ce métier de formateur, c’est l’exercice de l’écrit qui m’a donné le plus de plaisir, sur le plan personnel. Lorsque je cherche mes traces sur Internet, je tombe parfois sur des articles oubliés que je relis avec bonheur. Je puise dans mes écrits comme d’autres dans leurs vieux albums photos. Au fil de mes productions, sur ce blog ou ailleurs, sur les réseaux, les revues ou dans les quelques ouvrages auxquels j’ai participé, peut se lire, comme une trace mémorielle vivante, le long chemin de ma professionnalisation, de mon autoformation permanente, de ma volonté farouche de ne pas me contenter de reproduire un modèle mais de tenter, en permanence, de le perfectionner.