Si le sujet
n’était pas si grave, il prêterait à rire … au-delà de la psychose engendrée par la possibilité d’une épidémie de grippe qui paralysera sans aucun doute la France dans les mois à venir (!) et
contre laquelle le gouvernement déploie force de préventions (étonnante pour certaines, telle celle consistant à consigner à leur domicile la moitié des conseillers de Pôle-emploi afin de pouvoir
remplacer ceux qui, en, première ligne, contacteront forcément la maladie), il en est une qui retient naturellement notre attention, celle de la « continuité pédagogique » en cas de fermeture des
lycées et des collèges.
Le Ministère
nous l’affirme, « en cas de fermeture nationale des écoles et des établissements scolaires, le ministère de l’Éducation nationale a prévu que certains enseignements pourront être assurés
d’une manière différente. Les moyens de communication actuels seront utilisés (téléphone, Internet, télévision, radio) ».
Au passage on
peut s’étonner, alors même que l’idée de travailler durant un arrêt de maladie avait conduit il y a quelques mois à une montée de boucliers, que personne ne s’offusque du projet de faire
travailler élèves et professeurs à leur domicile dans la même situation. Mais passons …
Il aura donc
fallu un risque sanitaire d’envergure nationale pour que l’Education du même nom découvre ou redécouvre les vertus d’une pédagogie alternative au présentiel. Comme souvent, c’est pour pallier à
une carence du système naturel de l’enseignement que l’on se tourne vers les technologies (1).
Bon, il faut
raison gardée, on n’en est pas encore, loin s’en faut, à l’enseignement différencié, individualisé ou interactif et encore moins dans une formation ouverte et à distance qui ne dirait pas son
nom. Les médias privilégiées semblent être la télévision et la radio, ce qui nous ramène à la télévision éducative des années 60, avec le « plan expérimental d’extension des moyens audiovisuels
d’enseignements » initié en 1963 par Georges Pompidou, le premier ministre de l’époque. 264 heures d’émissions télévisées et 288 heures d’émissions radiophoniques ont d’ores et déjà été préparées
pour la rentrée - on peut d’ailleurs se demander à quoi ces émissions seront utilisés si la pandémie n’est pas au rendez-vous - et rien n’est dit sur le soutien que nécessite la "lecture active"
de telles ressources. On semble oublier qu’au-delà des ressources "savoirs" la véritable plus-value de l’enseignant est l’accompagnement au développement des connaissances, par un élève qui se
confronte à un nouvel objet qu’il doit intégrer dans son corpus existant. L’andragogie, dont on peut déplorer une fois encore le peu de cas qu’en fait l’Education Nationale, nous a pourtant
montré avec brio les vertus du tutorat, suivi attentif, bienveillant et invitant à l’introspection, ainsi que celles de l’apprentissage collaboratif qui permet de se confronter à ses pairs en
apprentissage. Or, alors même que les technologies nous proposent une multitude de possibles, rien n’est envisagé pour faire de ce cas de force majeure une occasion de tester de nouvelles
manières d’enseigner.
Mais ne soyons
pas trop pessimiste ; dans le meilleur des cas, la menace de grippe n’aura été qu’un luxe de précautions qui se seront avérées inutiles ; dans le cas contraire, une brèche aura été percée dans le
dogme de la salle de classe comme seul lieu possible d’apprentissage. Rendez-vous dans quelques mois et en attendant, bonne rentrée à tous.
Frédéric
Haeuw
(1)Voir à ce sujet l’article de Viviane Glickman, les avatars de la télévision éducative pour adultes en France, histoire d’une « non-politique », RFP N° 110, janvier, février, mars
1995