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20 millions de salariés au sein de la famille employeur en perspective en 2020, grâce aux technologies, et près de 250 personnes pour en débattre, au cours de la réunion organisée le 8 février à Bruxelles à l’initiative de la FEPEM, sous le haut patronage de Monsieur Laszlo Andor, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion.

 

C’est par le biais des technologies, qui lui permirent d’être tout à la fois présente et absente - tout un symbole, eu égard au thème de la journée - que Madame Pervenche Beres, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales, a introduit la journée, en rappelant que le défi démographique ouvre des possibilités d’inventer, structurer, renforcer des chantiers pour l’emploi en Europe. Ce défi rejoint la formule proposée par Marie Béatrice Levaux, présidente de la FEPEM, « Nouveaux métiers, nouveaux emplois, nouveaux modèles » qui pose les enjeux de la journée.

 

Pour Madame Levaux, les modes de vie européens arrivent à une période charnière et il convient, pour préserver le mode de vie et défendre la démocratie, d’’impulser une dynamique européenne pour construire des réponses sociales et sociétales aux enjeux de la démographie. La famille demeure un pilier, une clé de voute de la société, elle est le lieu de la solidarité et de lien social et elle est aussi devenue créatrice d’emploi. Les politiques doivent concourir à maintenir un modèle social européen visant le maintien du lien social.

 

C’est Hervé le Bras, démographe, qui posera les bases de la discussion en rappelant les deux causes essentielles au vieillissement, que sont d’une part la faible natalité et l’augmentation de la durée de la vie. Assez paradoxalement, il note que plus la proportion des femmes actives est élevé, plus le taux de fécondité est élevé, ce qui démontre que l’on peut concilier fécondité et travail. Il relève également que la tendance actuelle est l’espérance de vie en bonne santé, et que la durée de vie en incapacité diminue ! Il évoque enfin une situation nouvelle, qui est le décalage entre les jeunes et les personnes âges en terme de richesse, patrimoine, et revenus moyens. « Jeunes et pauvreté » a remplacé en quelques années « personnes âgées et pauvreté ». Toutefois, cela ne crée pas une tension nouvelle, car la famille est une valeur dans la société européenne et elle gère, mieux que l’Etat, la situation des jeunes à l’égard de la pauvreté, même si ce retour interventionniste de la famille peut renforcer aussi les inégalités sociales.

 

Le sociologue Théodore Zeldin renchérit. Selon lui, l’évolution en cours est qu’après avoir été longtemps obsédé sur le « qui suis-je ? », l’introspection et l’individualisme, nous allons aborder dans les années à venir la question de savoir qui est l’autre. Nous sommes moins obsédés par les richesses, mais nous recherchons davantage les relations, dont nous ressentons le besoin vital. Si le défi est de réinventer les emplois, pour développer l’envie de travailler et créer une société dans laquelle la génération future va aimer vivre, la question sera de savoir si la clé de voute en sera le pouvoir, l’argent ou … la famille. Cette vision humaniste des emplois de la famille ne doit pas pour autant occulter la question des enjeux économiques et la conciliation entre logique de marché et intérêt des autres.

 

Petra Mackrot, représentant le Ministère de la famille, des personnes âgées, de la femme et de la jeunesse, en Allemagne, relève que ce sont les personnes âgées qui ont le plus besoin de service à la personne en Allemagne, que 50 % des mères y ont déjà eu recours, dont 30 % des salaires les plus élevées. Qui alors peut financer ?

 

Cela nous entraina à la question des interventions publiques et du rôle de l’Etat, sur laquelle Marie Béatrice Levaux s’est attardé longuement en début d’après midi. Elle introduit sa contribution en s’interrogeant sur l’Etat providence : les citoyens ont-ils tellement d’un besoin d’un Etat providence pour gérer les activités du domicile ? De son point de vue, les citoyens ont davantage besoin d’un état qui les accompagne, afin de pouvoir incarner une force de propositions plus que d’opposition, car l’économie des emplois de la famille ne peut être un « copié collé » de l’économie administrée ou de l’économie de marché. Face aux enjeux évoqués, la famille doit être aidée dans ses capacités et ses nouveaux rôles et il est nécessaire de lutter contre les préjugés sociaux et les inquiétudes des pouvoirs publics sur ce qui se passe dans le lieu intime du domicile.

 

Elle exemplifia ce point de vue en rappelant que si la simplification, la solvabilisation, la professionnalisation sont les trois piliers qui ont permis le développement des services à la personne depuis le plan Borloo, ce qu’avait souligné avant elle Laurent Hénart, député et président de l’ANSP, ce sont des programmes qui ont été mis en œuvre depuis de nombreuses années par la FEPEM. Le salariat à domicile est une construction qui se fait sur des années mais elle estime indispensable, pour ce faire, de mettre en place un programme de professionnalisation, grâce aux communautés numériques et au « point à point ».

 

C’est en effet par le numérique que l’on va pouvoir aujourd’hui interpeller toutes les personnes qui sont dans des situations d’employeur et de salarié, pour leurs permettre de répondre aux enjeux sociétaux ; la professionnalisation des salariés passe aussi par la professionnalisation des employeurs. Le numérique sera donc l’outil majeur en terme de professionnalisation.

 

Florent Lupescu, conseiller principal à la direction générale de la Société de l’Infomation et des Médias, attire notre attention sur les opportunités des nouveaux usages des technologies. Aujourd’hui 30 % des citoyens n’accèdent pas au TIC, ce qui crée des besoins sociaux gigantesques. La société est de plus en plus numérisée, mais il s’agit de mettre en place une société basée sur la connaissance : le modèle numérique est indispensable pour arriver à la formation tout au long de la vie, ce qui implique que les compétences numériques soient reconnues comme des compétences de base. Pour permettre l’inclusion numérique à tout âge, il faut que les personnes intervenants chez les personnes âgées aient les connaissances informatiques pour permettre l’accès au numérique des leurs employeurs.

 

Pour Christian Lettmayr, du CEDEFOP, le changement numérique aura lieu, il dépend de nous de voir comment il va se passer. Les industries des technologies créent des opportunités et les conditions pour que le changement arrive, car c’est pour elles une question économique. Toutefois, le contenu doit être créé pour qu’il soit profitable à tous les acteurs sociaux, et ce n’est pas que la responsabilité des industriels ; c’est à la société et aux pouvoirs publics de s’en emparer, ce qui est l’objet du programme Long live learning, pour inventer de nouveau métiers, et de nouvelles formations, dédiés aux connaissances fondamentales et aux capacités d’intervention auprès des familles. Autrement dit, il faut un cadre légal et social, mais ce n’est peut être pas à l’Etat de s’en occuper mais peut-être, là encore, à la société civile.

 

Lorsque Benjamin Leperchey, chef du bureau de la DGIS se demande à son tour si on va vers une société unique numérique, il répond que si les technologies créent de nouveaux usages, elles viennent essentiellement appuyer les usages existants, en complément, en soutien et en transformation. Il ne faut donc pas avoir peur du numérique, mais voir comment le numérique nous aide à faire mieux ce que l’on faisait déjà. De son point de vue, trois pistes sont à poursuivre : avoir un accès au numérique, aux réseaux, sur tous les points du territoire, et quel que soit les revenus. Il insiste sur la neutralité des réseaux, qui doivent rester ouvert aux usages de demain, et ne pas rester centrés sur les services d’aujourd’hui. La seconde piste est d’investir dans des travaux sur les services, pour ne pas courir le risque que d’autres le fassent. Ensuite, il est indispensable d’impliquer les usagers et vérifier que chacun sache utiliser les services, ce qui passe par la formation mais aussi par une sécurisation des usages. Enfin, pour lui, l’action la plus urgente au niveau européen est d’harmoniser les réglementations, pour un marché numérique commun.

 

L’expérience de la FEPEM et de l’institut FEPEM de l’Emploi Familial (IFEF) est là encore exemplaire de ce point de vue. Alors que toutes les mauvaises conditions étaient réunies (personnes faiblement qualifiées, peu aguerries aux technologies, peu disponibles, ne maitrisant pas nécessairement la langue …) une dynamique de professionnalisation des «femmes de ménages» s’est mise en place depuis quinze avec des outils complexes. Le programme est passé tout d’abord par une réelle valorisation des compétences et des emplois, même si, comme l’estime Béatrice Ouin, membre du conseil économique et social européen, des progrès restent à faire. Ensuite, l’apport des technologies pour accélérer le processus et innover a été majeur, au travers de la Formation Ouverte et à distance, du portail de professionnalisation des emplois de la famille, de la proposition de e-porfolio et CV europass et des communautés de pratiques. C’est une forme nouvelle de professionnalisation, qui acte que les savoirs ne sont pas descendants !

 

En conclusion de la journée, la FEPEM, par la voix de Marie Béatrice Levaux, propose à l’Europe un modèle de bonnes pratiques et évoque le lancement de la Fédération européenne des emplois de la famille, respectueuse des différences culturelles de chaque membre de la communauté européenne et porteuse d’un programme d’avenir associant nouvelles compétences, nouveaux emplois, et développement numérique dans une perspective de croissance vivante et humaniste …

Tag(s) : #Economie
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