La vie n’est pas faite que de technologie … sans revenir à la plume d’oie, « écrire », qui est l’acte fondateur du chercheur, passe par un certain nombre de rituels : se mettre en condition, faire le vide dans sa tête, mettre de côté tous les petits éléments perturbateurs du quotidien, se lancer (ah, la beauté du premier mot sur la feuille blanche !), relire son premier jet et, une fois que l’on est content du résultat, le proposer à une personne complice. Revenir à la tâche, peaufiner, changer là un mot, là une virgule. Et, je vous l’accorde, on est bien content alors de retrouver la technologie comme outil de structuration de sa pensée, et vive le traitement de texte !
Je vous parle de cela car j’ai eu la chance d’animer jeudi et vendredi dernier un séminaire d’écriture avec des formateurs, en prolongement d’une recherche action sur la question du « français compétence professionnelle » ; comme l’a si bien résumé la personne qui nous accueillait, le « français utile », celui dont on se sert pour agir en situation professionnelle. Là, pour le coup, c’étaient les formateurs et encadrants de ces actions de formation qui étaient invités, à leur tour, à mobiliser leur « français utile » pour capitaliser l’expérience, en tirer les principaux enseignements, proposer un cadre structurant pour une reproduction dans un autre contexte. Autrement dit, se mettre en position de chercheurs associés, selon le principe fondateur de la recherche action de type stratégique, théorisée notamment par Marie Renée Verspieren[1]
Nous avions choisi pour ce faire de nous mettre au vert, au Manoir de la Vicomté à Dinard, dans un cadre propice à la méditation et à l’écriture, loin des turbulences de la vie parisienne. Nous y avons trouvé l’inspiration et notre ouvrage commun est en bonne voie : les premières ébauches d’articles sont faites, le sommaire est prêt, le titre est en gestation. Chacun est reparti avec sa feuille de route, et pour peu que le quotidien n’ait pas trop vite repris le dessus, gageons que les textes ont déjà pris une autre tournure depuis vendredi.
J’ai eu pour ma part beaucoup de plaisir à animer cet atelier, avec Anne claire et Mariela. Ces moments donnent du sens à ma propre dynamique d’écriture et mon engagement dans une autre manière d’aborder la recherche, en associant ceux qui font à ceux qui pensent, souvent pour autrui. Convaincu de la valeur de ces « fertilisations croisées » entre praticiens et chercheurs, il me parait plus que nécessaire d’intégrer cette dimension de capitalisation des pratiques dans les temps de travail des formateurs, pour sortir de la médiocrité dans laquelle s’enfonce parfois le monde de la formation, a fortiori lorsqu’elle s’adresse aux publics les plus précaires, et pour redonner à ces formateurs la "logique de l’honneur" dont parle Philippe d’Iribarne[2]