C’était finalement la question centrale lors de la formation que j’ai animée le 17 janvier 2012 pour les accompagnateurs scolaires du Centre Social Paul Gauguin à Alençon : est-il nécessaire de maitriser tous les contenus pour aider l’enfant dans ses devoirs ? Une réponse extrémiste serait de dire que non, justement, il faut mieux ne pas savoir ! Comme nous le dit Joseph Jacotot: « on peut enseigner ce que l’on ignore, si l’on émancipe l’élève, c’est-à-dire si on le contraint à user de sa propre intelligence ». Il ajoute même, à peu près en ces termes, qu'on ne peut enseigner que ce que l'on ignore car si on connait, on est tenté de l'expliquer et on empêche ainsi l'autre de comprendre par lui même. Expliquer quelque chose à quelqu'un, c'est d'abord lui démontrer qu'il ne peut pas le comprendre par lui même (Ranciere, 1987).
Dans notre cas, de toute façon il ne s’agit pas d’enseigner, car c’est le travail des enseignants, mais d’accompagner les enfants, le soir, dans un autre cadre que celui de l’école. Donc, pourquoi se priver de cette légèreté mesurée d’être celui qui ne sait pas forcément tout, mais qui, attentif et bienveillant, questionne sans avoir l’obsession d’évaluer, aide l’enfant à utiliser les procédures les plus efficaces pour lui, propose des ressources et éventuellement l’aide des autres accompagnateurs et des autres enfants pour ouvrir les cadres de pensées, et surtout fait pleinement confiance à celui qui apprend ?
Alors celui-là permettra-t-il à celui-ci de changer de regard sur ses propres capacités d'apprenant, et à entrevoir un savoir accessible, une autre manière d’apprendre où l’objet, la matière, le contenu … ont du sens, et peuvent être autrement plus captivants que les notes, les résultats, les appréciations des professeurs. Autrement dit que l’on peut apprendre pour comprendre, et pas uniquement apprendre pour réussir.