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Cette parole de l'évangile (Jean 3-30) est finalement la grande affaire de toute vie. Parents, la montée en autonomie de nos enfants n’est possible qu’au prix de la diminution de notre autorité. Formateurs, une présence trop imposante empêche l’autre d’apprendre par lui-même et parfois même de rompre avec ses certitudes : j’ai le souvenir d’une apprenante qui ne voulait en aucun cas admettre qu’il était possible de soustraire un grand nombre d’un petit « parce que sa mère, institutrice, lui avait enseigné ainsi ». Consultant, coach, vient le moment où l’accompagné doit poursuivre seul son chemin.

Penser par soi-même, fixer ses propres règles, décider ce qui est bon pour soi : voilà ce que devrait être la finalité centrale de toute éducation, de tout accompagnement.

Il semble donc naturel de s’effacer progressivement pour permettre à l’autre de grandir. Cela n’est pas gênant dès l’instant où l’on considère notre posture professionnelle ou personnelle comme étant celle qui permet de faire un bout de chemin avec un alter égo en le soutenant durant le temps où il en a besoin et en se réjouissant qu’il puisse, à un certain moment, se passer de cet étayage. Mais qu’en est-il lorsque la personne accompagnée va inéluctablement vers une perte d’autonomie ? Lorsque son présent est fait de petits renoncements quotidiens ? Lorsque son avenir est celui de la diminution progressive de ses forces physiques et de l’amenuisement de ses capacités réflexives ? Je pense bien sûr aux personnels soignants des maisons de retraites, des soins palliatifs, ou bien encore aux assistants de vie à domicile. La courbe est inversée : l’accompagnement est celui de la perte et non du gain d’autonomie, et ce pouvoir qui nous est donné peut conduire à ne plus respecter la personne, d’ailleurs souvent « pour son bien », dans les choix qu’elle est encore en mesure de faire. C’est alors le début de la maltraitance.

La confrontation au quotidien des personnes en perte d’autonomie nous renvoie aussi une image de notre propre devenir et la projection est difficilement évitable. Que deviendrais-je moi-même lorsque les forces me lâcheront ? De quels maux devrais-je supporter les contraintes ?  Quelles décisions pourrais-je encore prendre pour orienter ma vie et en rester maitre ?

L’empathie est souvent présentée comme une compétence relationnelle majeure dans les métiers de services aux personnes. Se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre est certes important pour changer son point de vue sur l’environnement et les conditions de la personne aidée. A cet égard, les simulateurs de vieillissement, dispositifs techniques qui permettent d’endosser les maux des personnes âgées, offrent des occasions d’expériences sensorielles enrichissantes et il faudrait, pour être complet, inventer des simulateurs de sentiments !

Mais l’expérience empathique doit être de courte durée : se mettre trop longtemps à la place de l’autre est dangereux pour soi, eu égard au phénomène projectif évoqué plus haut, mais aussi pour l’autre. Il est indispensable au contraire de considérer le plus longtemps possible la personne accompagnée comme un adulte responsable et occupant, ici et maintenant, sa juste place dans son parcours de vie, en accord avec ses choix passés et présents et absorbant au fur et à mesure et à sa manière les évènements et les aléas de cette vie. Son destin est le sien, mon destin est le mien. Quelles qu’en soient les conditions, la vieillesse est croissance. Considérer la personne vieillissante ou en fin de vie non pas avec la vision négative de la perte d’autonomie mais avec une vision d’accomplissement est une manière de contrer l’angoisse que génère naturellement cette situation spécifique d’accompagnement.

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