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La Zoom fatigue me fatigue !

Damned ! A peine a-t-on eu le temps de se réjouir que la crise sanitaire de la COVID, en dépit de son caractère éminemment dramatique par ailleurs, a au moins eu pour effets de développer le télétravail et la formation à distance, de faire prendre conscience à nombre de salariés et de dirigeants que, finalement, la productivité ne baissait pas avec l’éloignement, de conduire des formateurs au départ rétifs mais contraints par la nécessité de maintenir la continuité pédagogique à percevoir les vertus du numérique et de la diversité des espaces temps de la formation, que nous serions maintenant atteints, sans même en avoir conscience, de la Zoom fatigue.

Par un effet de balancier finalement assez courant, les médias portant aux nues telle ou telle innovation technologique ou sociale, s’emploient quelques mois plus tard à relayer et avec la surenchère dramaturgique qui s’impose, les études les plus alarmistes sur ces mêmes innovations. Après avoir accablé les écrans de tous les maux (responsables de la baisse de l’attention, de l’orthographe, de l’intelligence, des troubles du comportement, de l’autisme et j’en passe…) voici les visioconférences pointées du doigt par les journalistes, qui relaient à qui mieux mieux les travaux sur le sujet : notamment ceux des chercheurs en psychologie de l'Université de Stanford qui se sont penchés sur les problèmes spécifiques à cet outil (auto-saisis du problème donc, et pas forcément face à un phénomène constaté a priori) ou encore ceux de l’Université des sciences appliquées de Ludwigshafen. Cette dernière avec un échantillon relativement faible de 422 participants, mais bon, ne nous arrêtons pas pour si peu car, selon le site Ionos "d’un point de vue psychologique, il est facile d’expliquer que les vidéoconférences peuvent être un fardeau".  Puisqu’on vous le dit !

La Zoom fatigue serait donc, selon ces chercheurs, cette « lassitude intense que vous ressentez à force de participer à des réunions virtuelles. Le mal s'infiltre progressivement dans nos esprits, nous poussant à rechigner devant la moindre invitation Teams, Meet ou même - pour les plus âgés d'entre nous – Skype (Article Les ECHOS). Elle se signalerait par des symptômes pour le moins inquiétants : difficultés de concentration, impatience et irritabilité, maux de tête et de dos, douleurs aux membres et à l’estomac. Tiens, moi par exemple, je comprends ça car j’ai déjà ressenti ces mêmes symptômes dans une vie professionnelle pas si éloignée à un moment où les visioconférences étaient pourtant loin d’être monnaie courante.

Cinq phénomènes expliqueraient le stress engendré par les visioconférences :

  • Ne voir que des visages et des yeux nuirait à votre santé, car en ligne tout le monde regarde tout le monde, celui qui écoute est observé au même titre que celui qui parle. Contrairement aux réunions classiques, les participants ne peuvent pas se dégourdir les yeux en observant les éléments de décor de la pièce, du mobilier, de la présentation projetée. Heu, la visioconférence n’est pas le bagne tout de même ou un remake d'Oranges Mécaniques : on peut bouger, regarder ailleurs, être plus ou moins concentré, comme en présentiel en fait !
  • Se voir sans arrêt dégraderait l’estime de soi, un peu comme si dans le monde réel, quelqu'un vous suivait constamment avec un miroir. Personnellement, je ne me regarde pas trop lors des visioconférences, trop occupé à vérifier le clavardage, à répondre aux questions, à passer mes supports d’information, à lancer des sondages, à partager mon écran, à donner la parole aux uns et aux autres, à déceler les signes de décrochement ou de points de vue divergents, bref à animer.
  • L'immobilité réduirait notre capacité à penser car un champ de vision limité rétrécit l’imaginaire. Et le journaliste des Echos insiste « comme les hommes et les femmes pensent mieux quand ils se déplacent (cf. Aristote), n'hésitez pas à bouger de votre siège ». Là oui je suis d’accord mais alors pourquoi oblige-t-on les élèves à rester assis toute la journée en salle de classe ? alterner des temps de visioconférence assez courts avec des travaux personnels ne règle-t-il pas simplement le problème de la mobilité, davantage que dans une salle de classe, qui plus est à l’heure de la COVID qui ruine les espaces flexibles ? et qu’est ce qui interdit de faire des pauses au cours des réunions en visio comme on le ferait en présentiel ? enfin, en quoi cela dérangerait plus en visio qu’en présentiel qu’un participant se lève pour aller se servir un café par exemple ?
  • Ne pas pouvoir analyser le langage corporel troublerait gravement notre sociabilité ; les attitudes, les gestes, les mouvements … n'existent plus en ligne, ce qui crée une charge mentale supplémentaire car le traitement de ces signaux est inconscient. Selon les chercheurs, un regard sur le côté pendant une réunion sur Zoom pour vérifier si les enfants ne font pas de bêtises peut être mal interprété par l’intervenant. Oui, peut-être, mais l’interprétation du non verbal est aussi sujet à caution en présentiel et, à l’heure où chacun est masqué en permanence, quel bonheur de parler à des personnes non masquées, même par écran interposé.
  • La tentation du multitâche : lors de réunions assez longues, les participants auraient tendance à travailler sur d’autres tâches pour augmenter leur productivité, mais le multitâche les fatigue et la qualité de leur travail s’en ressent. « Lors des réunions assez longues » … tout est dit ! Dans une réunion courte et bien ciblée, ou dans une réunion un peu plus longue où l’on alterne des temps collectifs et des petits groupes de travail avec des objectifs de production précis, ce risque s’éloigne.

Tout est donc question d’intention (à quoi va servir la réunion en ligne), d’animation (comment diversifier les activités pour maintenir l’attention et mettre les participants en mouvement), de modèle pédagogique ou de modèle managérial  et aussi de multimodalité : les temps synchrones collectifs à distance ne sont qu’une des modalités de travail ou de formation, qui doivent trouver leur juste place et leur intérêt dans le cadre d’un dispositif qui les englobe et leur donne sens.

Personnellement, après une année entière de travail à domicile (et oui, cela a commencé en mars 2020 et depuis je n’ai quasiment pas eu de réunions ou de formation physiques) je n’ai pas ressenti cette Zoom fatigue, sauf peut-être lorsqu’un de mes clients m’a imposé une journée entière de formation à distance. La plupart du temps, je propose des séances de deux heures, voire d’une ½ journée lorsqu’il s’agit d’ateliers de production à distance (voir mon article intra…) mais guère plus, ce qui me laisse du temps dans la journée pour d’autres occupations ; par contre, contrairement à ce que j’ai pu connaitre par le passé, et que connaissent encore beaucoup d’autres « travailleurs intellectuels » j’ai incontestablement beaucoup moins ressenti :

  • La fatigue et la promiscuité imposée des transports en commun, le temps perdu dans ma voiture à écouter France Info en boucle
  • Le sentiment de ne pas gérer mon temps, de devoir cloisonner les différentes facettes de ma vie et de passer à côté de ma vie de famille
  • La morosité cafardeuse des soirées étapes où chaque commensal noie sa propre solitude dans l'usage frénétique de son smartphone
  • Les réunions de travail à n’en plus finir où votre supérieur hiérarchique monopolise la parole tandis que vous cherchez à tromper l’ennui en jetant de furtifs regards à vos mails, ce qui est plus discret et moins compromettant si vous vous faites prendre que de regarder par la fenêtre
  • Les longs tunnels des formations tout en présentiel ou parfois, en tant qu’intervenant, vous devez chercher au plus profond de vous-même les ressources pour captiver un auditoire pour qui la station assise n’est pas forcément naturelle

Rien que pour ces raisons, le retour à une vie d’avant me serait difficile.

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Discussion, #Zoom Fatigue, #Humeur
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