En juin 2020, les Organismes de formation et les Cfa, membres de la Communauté des OF Bourgogne Franche-Comté, pilotée par l'Emfor se sont mobilisés pour un exercice d’intelligence collective autour de la question : "Lorsque vous pensez numérisation de la formation, quel est le plus gros problème auquel vous êtes confronté (ou auquel vous craignez d’être confronté) ? Une centaine de contributions ont ainsi été formulées. De ces contributions, quatre thématiques sont largement ressorties (stratégie digitale, impacts sur le métier de formateur, ressources pédagogiques et outils numériques mobilisables), qui ont fait l’objet de quatre groupes projets. Entre janvier et juin 2021, j'ai été chargé d'animer deux de ces groupes.
Ces travaux ont conduit à la production d'un "guide pour la mise en œuvre de la multimodalité" disponible ci-dessous :
Le numéro 1 de la nouvelle revue "les échos" a également été consacré à ces travaux. J'y explique notamment ma démarche pour initier un travail collaboratif :
La démarche proposée par l’EMFOR est novatrice, car elle permet d’aborder la question de la professionnalisation autrement que par l’entrée « stage de formation ». Elle s’inscrit pleinement dans l’évolution de la société numérique qui nous invite à nous appuyer davantage sur la formation par les pairs, par les rencontres et les échanges entre professionnels, par la production et le partage de ressources plutôt que par la parole descendante d’un « expert » lors d’un temps court de formation sur un mode traditionnel. Qui plus est, mettre les acteurs dans une nouvelle posture de professionnalisation est en soi une manière d’accompagner leurs propres postures en tant qu’offreurs de formation ; autrement dit, il ne s’agit plus de « dire comment faire » mais de donner l’occasion de le vivre pour soi-même, ce que Bertrand Schwartz appelait « le principe de la double piste » et Philippe Meirieu « l’isomorphisme pédagogique», c’est-à-dire mettre les formateurs dans les situations pédagogiques qu’on aimerait les voir adopter avec leurs propres publics.
Force est de constater toutefois que cela ne va pas de soi : au-delà de la curiosité et de l’envie de bien faire des participants, les modèles traditionnels ont la vie dure et il peut être tentant, une fois inscrit dans un tel groupe, de rester dans une posture passive ; d’autre part, le champ concurrentiel dans lequel nous sommes ne nous incite pas à échanger naturellement nos pratiques et nos ressources.
Il fallait donc proposer un projet de production fédérateur, et, dés les premiers rencontres, j’ai proposé de travailler sur l’élaboration collective d’un « guide méthodologique pour la mise en œuvre de la multimodalité en formation » qui serait mis ensuite à la disposition de la communauté des organismes de formation. Il me semblait en effet qu’une telle production pouvait permettre à chaque participant, en fonction de son degré de maitrise du sujet, d’être contributeur soit par un apport d’expériences, soit par son questionnement de « candide » et que, de ce fait, les uns se trouveraient renforcés dans leurs expertises en étant amenés à l’exprimer et à la formaliser, tandis que les autres en profiteraient pour développer leurs propres connaissances du sujet et, pourquoi pas, l’appliquer chemin faisant dans leurs projets respectifs. En outre, l’enjeu de production et de diffusion clairement affiché dès le départ permettait d’entrevoir un terme assez rapide (quelques mois), ce qui permettait un investissement en temps « raisonnable » et une dimension de valorisation sociale non anecdotique.
Concrètement quatre groupes ont contribué à cette production, en se réunissant chacun quatre fois à distance (une fois par mois environ sur une ½ journée) et une seule fois tous ensemble en présentiel (une journée). Si quelques participants n’ont assisté qu’à une ou deux séances, globalement un noyau dur s’est constitué et a perduré.
Nous avons choisi la méthode A.D.D.I.E. « analyse, design, développement, implantation, évaluation » comme colonne vertébrale du guide. Outre le fait qu’il s’agit d’une méthode de gestion de projet de formation assez répandue, elle avait aussi l’avantage de pouvoir séquencer le travail. Ainsi, chaque séance a été consacrée à une des cinq étapes, avec un objectif de production synchrone puis asynchrone (dans la relecture) et utilisant pour ce faire la classe virtuelle Zoom, avec des mises en sous-groupes au cours des séances, ainsi que des outils collaboratifs (Padlet, framapad) ; enfin la production finale a été mise en forme avec l’outil Genial.ly.
En termes d’animation, la mise en place de tels groupes d’échange et de production demande de la part de l’animateur à la fois une expertise assurée du sujet traité mais également une posture d’animateur/facilitateur pour ne pas imposer sa manière de voir et permettre au contraire l’émergence d’idées et de solutions nouvelles. Toutefois, il aurait été trop difficile de partir d’une page blanche, c’est pourquoi j’ai apporté à chaque séance un « texte martyr » où je mettais en forme mes propres idées sur l’étape du jour, afin de permettre à chacun de réagir, d’abonder, d’infirmer ou de confirmer et finalement de produire collectivement un texte consensuel. Une autre condition de réussite est de s’astreindre à une grande rigueur sur la gestion de la traçabilité (ordres du jour, comptes rendus, capitalisation et diffusion des productions…) pour suivre le travail et permettre aux absents de ne pas perdre le fil des productions. En résumé, il s’agit de garantir un cadre de travail (convivialité, esprit d’écoute, aide à la formalisation des idées, transfert des acquis en direction des autres membres de la communauté …) tout en sachant s’effacer quand il le faut pour laisser toute la place à l’intelligence collective.