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Je vais vous faire une confidence : il m’arrive, le soir, de m’endormir devant le film à la télé. Lorsque je me réveille, forcément, un évènement essentiel vient de se produire. Comme je ne vais tout de même pas reconnaitre que je me suis absenté un moment, j’essaie de reconstituer le fil de l’intrigue en imaginant ce que j’ai raté. Mais bien sûr, ce qui est passé est passé, je dois donc extrapoler, et cela continue de m’embrouiller.

Et bien, avec les MOOC, c’est pareil ! J’ai l’impression d’avoir dormi et de m’être réveillé un matin en étant passé à côté de cet épisode majeur de la vie de la formation, rien de moins que la réalisation d’une utopie, celle d’un environnement de formation totalement ouvert dans lequel les apprenants pourraient s’autoformer mutuellement, sans contrainte et (presque) sans formateurs. Bref le rêve des pionniers de l’éducation nouvelle, les technologies en plus.

Quoi, vous aussi vous avez dormi ? Vous ne savez pas ce qu’est un MOOC ? Et bien le MOOC est l’acronyme de Massive Open Online Course, c’est-à-dire un cours en ligne, gratuit, basé sur une pédagogie non directive et sur l’échange entre les apprenants (nombreux, comme le nom l’indique) qui créent eux même les contenus. Selon Christine Vaufrey, de Thot Cursus[1], « la caractéristique essentielle d'un MOOC tient au mode de construction des connaissances que ce format de cours encourage : ces savoirs et savoir-faire naissent principalement de l'interaction entre les participants au cours, entre les participants et les ressources mises à leur disposition, repérées ou produites par eux, entre les participants et les facilitateurs. Il s'agit là d'une conception de l'apprentissage centrée sur l'apprenant. Ce qui signifie que ce dernier est le principal, pour ne pas dire le seul, responsable de ses apprentissages; de leur quantité, de leur forme, de leur utilisation. »

La première fois que j’en ai entendu parler, c’est lors du Campus Européen d’été de la Cité des Savoirs, à Poitiers, par Peter Mortimer, Directeur de l’innovation au CNED, qui l’a mis en perspective dans la longue série d’intégration des réseaux sociaux et des technologies au CNED. Bon, je dois dire que cela m’a un peu surpris, car ma fille venait justement de s’inscrire à une formation à distance et de recevoir en une seule fois ses quinze kilos de documentation papier sans un seul contact avec un formateur ni une incitation à travailler avec d’autres. Mais je me suis dit que les rythmes de l’innovation n’étaient sans doute pas synchronisés à ceux de la vraie vie et que l’on ne change pas du jour au lendemain une institution historiquement mariée avec le courrier postal.

Puis, j’ai entendu parler du MOOC ITyPA « Internet, Tout y est pour apprendre »[2] premier MOOC français  lancé par quatre pionniers, autour d’un objet central d’apprentissage qui est, justement, la formation par l’Internet et les réseaux sociaux.  Apprendre à apprendre avec les réseaux par les réseaux, la double piste, quoi !

Je me suis donc inscrit dans ce MOOC, présenté comme les auteurs comme « connectiviste », c’est-à-dire basé sur quatre grandes activités : regrouper, archiver, s’approprier, diffuser[3]. Inscrit, gratuitement, à dix semaines de cours, et me préparant à y passer environ trois heures par semaine, totalement libre de mes activités avec, comme cadrage minimal, une thématique par semaine et une réunion en visioconférence tous les jeudis en fin d’après-midi.

Quelles étaient mes motivations ? Dans ma présentation, je les présentais comme ceci  « concernant ITyPA, j'en attends de découvrir une nouvelle forme d'apprentissage, et je suis curieux de voir comment ça marche. Mais j'ai aussi des attentes très concrètes pour ma propre organisation des données et de la veille, qui parfois, me semble bien peu organisée... ». Pour être honnête, la première l’emportait sur la seconde, avec le souhait, vous l’aurez compris, de ne pas perdre le film en cours de route et passer à côté de l’innovation du siècle.

A l’issue de ces dix semaines, qu’est-ce que j’en retire ? 

  • Un étonnement concernant le nombre d’inscrits, plus de mille en quelques semaines, essentiellement de manière virale.  Je soupçonne toutefois (mais sans preuve) beaucoup d’être venus, comme moi, plus par curiosité que par un vrai désir de se former à une nouvelle manière d’apprendre ;
  • La découverte d’un environnement vraiment enrichissant, stimulant, plein de ressources, avec de vraies collaborations entre apprenants. Les forums fonctionnent bien, sont nourris, réactifs et portent sur des contenus non uniquement émotionnels et produits par les apprenants eux même ;
  • En conséquence, un temps important passé sur ITyPA, sans doute plus de trois heures par semaine, mais pas de participation aux rencontres du jeudi soir, ce que j’explique dans un autre article de mon blog comme  ma difficulté « à être dans un temps asservi » ; 
  • Des rencontres, virtuelles et aussi réelles, qui ont enrichi mon réseau de contacts professionnels ;
  • Une pédagogie réellement basée sur l’action, le faire : beaucoup d’inscrits semblent effectivement avoir produit, échangé, archivé, commenté … bref s’être approprié les concepts en agissant et pas seulement en consommant. Des productions collectives, telle que le lexique, ont également vu le jour.

En revanche, je reste à peu sur ma faim concernant la liste de mes propres apprentissages.  J’ai peu appris de choses nouvelles, non que je connaissais déjà, bien au contraire, mais sans doute par manque de volonté. Je n’ai bien sûr qu’à m’en prendre à moi-même puisque j’étais responsable de mes apprentissages.

Mais c’est là, justement, que le bât blesse, selon moi et qu’est toute l’ambiguïté des MOOC. En effet :

  • Soit je m’inscris dans un réseau social, qui est forcément source d’apprentissage informel, mais qui ne porte pas une « intentionnalité éducative ». Dans ce cas, si mes pairs m’apportent beaucoup,  je n’ai rien à en attendre en terme d’engagement ;
  • Soit je m’inscris dans un « cours », gratuit ou non, et l’engagement ne peut être unidirectionnel. En effet, autant je considère que la motivation et le projet de celui qui apprend sont les éléments essentiels de la réussite des apprentissages, autant je considère également que l’appui à la motivation, la guidance dans les ressources, l’aide à l’organisation du temps et la lutte contre la dispersion et le butinage, de même que l’évaluation de ce qui est appris … sont des responsabilités partagées avec la structure éducative.

C’est tous le sens de la « guidance », du tutorat, qui m’a manqué pour faire de ce temps passé sur ITyPA une réelle expérience formative. Un accompagnement, même à distance, même minime, aurait pu m’aider à dépasser mes motivations initiales en me fixant des objectifs intermédiaires, en me montrant mon évolution. Autrement dit en individualisant l’accompagnement.

Ces remarques ne mettent en cause en aucun cas les concepteurs du MOOC ITyPA, qui ont eu, et je les en remercie, le mérite de nous faire découvrir cette nouvelle manière de se former. Elles visent juste à alerter sur le risque de  discrimination que porterait la généralisation de telles méthodes si elles contribuaient à faire disparaitre l’enseignant, non seulement dans son rôle de distributeur de contenus, ce qui est une bonne chose, mais aussi, ce qui l’est moins, dans son rôle d’accompagnateur.   

Tag(s) : #Innovation
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